L'Arche du bonheur, un lieu de paix à Marcolès (Cantal) où les animaux peuvent tourner la page d'un passé tumultueux

L’Arche du bonheur est un écrin de Cantal qui héberge des petits animaux d’élevage et d’agrément, blessés par l’homme ou la vie. Ils peuvent reprendre pied et y couler des jours tranquilles, sous la houlette de Doriane Ganczarczyk, qui a monté ce nouveau projet à la force de ses convictions.

Des animaux sauvés de mains maltraitantes, de l’abattoir, de la rue, de l’abandon… L’Arche du bonheur, à Marcolès dans le Cantal, est une version des temps modernes de l’arche de Noé. Première arrivée de l’année, une oie, rescapée des agapes des réveillons, a rejoint le jars recueilli il y a quelque temps avec une aile luxée. Désormais guéri, il avait besoin de la compagnie d’une congénère.

La ressemblance avec le bateau biblique, qui accueille un couple de chaque espèce animale terrestre, s’arrête là. À la tête de ce refuge, installé en Châtaigneraie, et géré par son association les Guides du bonheur, Doriane Ganczarczyk s’est spécialisée dans le sauvetage des petits animaux de ferme et d’agrément.

Soixante-six pensionnaires

Lamas, chèvres, moutons nains, cochons, poneys… Ils sont 66 à refaire leur vie, en toute tranquillité, dans ce parc de près de huit hectares qui se partagent entre des espaces arborés, des prés et de la friche. Une ménagerie métissée qui cohabite sans problème comme si tous avaient conscience d’avoir, en franchissant les portes de ce refuge, laissé le pire derrière eux. Deux jours ont suffi à Minnie, une génisse naine, pour s’acclimater à son nouvel environnement et ses nouveaux compagnons. « C’est compliqué de changer d’endroit, de découvrir d’autres animaux… », indique la responsable pour rappeler le cheminement à débuter.

Redonner confiance

Mal née, cette mini-vache salers, race bovine du Cantal, n’était pas vouée à aller loin. « Elle s’est battue pour vivre. Handicapée, elle ne parvenait pas trouver sa place dans le troupeau qui la rejetait. L’éleveur, qui la nourrit au biberon, s’y est attaché et ne voulait pas la mettre à l’abattoir alors qu’elle, elle s’est battue pour vivre », raconte Doriane.

C’est leur vétérinaire commun qui les a mis en relation. Si l’éleveur a eu un pincement au cœur au moment des adieux, à la veille de Noël, passé la peur de l’inconnu, la salers a vite trouvé ses marques au refuge. Dans ce lieu calme et préservé, tout est mis en œuvre pour soigner, rééduquer, redonner confiance à ces êtres et leur permettre de retrouver la force de vivre.

Des sauvetages poignants, parfois

Si certains sauvetages sont l’occasion de belles rencontres, d’autres sont poignants, comme celui du lama Yago. « Je l’ai récupéré à la suite du décès de son propriétaire. Il était à l’abandon depuis trois ans. C’était une catastrophe. Il avait trois ans de laine sur le dos, les dents qui dépassaient de la bouche, les ongles des pieds qui se chevauchaient. Il a accompagné son propriétaire en fin de vie et quand il est arrivé ici, pendant deux mois, il est resté couché, à pleurer, il ne mangeait pas. Je pensais qu’il ne passerait pas l’hiver, cela fait un an maintenant, il est très en forme. Il fait bêtise sur bêtise en ce moment, c’est qu’il va bien. » Âgé de 20 ans, le camélidé a retrouvé une nouvelle jeunesse, disent, amusés, ceux qui le voient faire aujourd’hui.

Habitée depuis toujours par cette cause, la présidente des Guides du bonheur ne se résout pas à la souffrance de ces animaux. Certains regards continuent de la hanter longtemps.

« On voit dans leurs yeux tout ce qu’ils ont subi. C’est ce que je regarde en premier. Tant qu’il y a un peu de lumière, il y a de l’espoir. Quand il n’y a plus rien, quand leur regard est éteint, c’est bouleversant. Plus que l’aspect physique, que l’on remet en état. En revanche, s’ils ne reprennent pas goût à la vie, on ne peut pas faire grand-chose. »

Leurs besoins naturels et fondamentaux, une priorité

La responsable du refuge déploie des quantités de petits soins, d’attention, de cajoleries pour remettre d’aplomb les nouveaux arrivants. De l’alimentation à volonté, de l’espace, de la liberté, de la sécurité… Elle a aménagé le terrain de manière à répondre à leurs besoins physiques mais aussi émotionnels. » Elle juge essentiel que « les animaux soient au minimum deux » par espèce. De manière à se stimuler pour s’accoutumer au nouvel habitat, retrouver les tendances primitives. Néanmoins, pas question de forcer les choses. « Certains n’interagissent pas avec d’autres. Il y a des solitaires. Il faut les laisser vivre leur vie d’animal », estime la créatrice du refuge, vivant pour l’instant de dons essentiellement et des recettes des visites.

Observer pour comprendre

Prendre le temps de les connaître, de comprendre leur état, leur fonctionnement, Doriane Ganczarczyk a toujours eu ce souci et continue de perfectionner ses connaissances. Cette comportementaliste équin s’appuie aussi sur les thérapies comportementales et cognitives humaines auxquelles elle s’est formée pour accompagner au mieux son enfant porteur d’autisme. « L’éthologie animale et les méthodes ABA (Analyse appliquée du comportement) en autisme ont des concordances scientifiques. On reste dans une logique d’observation de l’animal, de ses réactions… Quand je reçois une espèce que je ne connais pas, je me rapproche de professionnels, je lis… »

Un lien pas comme les autres

Au-delà de ses compétences et de son expérience, cette cavalière a un sens de la psychologie animale, qui s’est révélé tôt. « Plus jeune, j’étais dans un club équestre qui préparait les animaux pour des marchands d’équidés. Les chevaux qui arrivaient, avaient un passé plus ou moins compliqué, certains avaient été frappés, l’éducation par la dominance, dans toutes les espèces, c’est une horreur. C’était des bêtes difficiles. J’étais désignée d’office, pour les monter. J’ai un côté calme. Quelque chose faisait qu’ils ne me mettaient pas par terre. Je me suis intéressée au pourquoi des choses. »

Mieux se connaître aussi

À force d’observation, de pratique, elle fait un constat définitif : « Quand l’animal se braque, c’est parce qu’on fait quelque chose qui le pousse à se mettre en opposition ». Et elle comprend qu’il faut « travailler sur l’antécédent qui a déclenché ce comportement et non pas le comportement lui-même ». Elle en tire aussi une leçon de vie : savoir se remettre en question. Ce qui va l’aider à se dépasser face aux difficultés et trouver sa place à un moment où elle se préférait à la marge de cette société et ses injonctions absurdes.

« Ils reflètent ce que vous êtes »

C’est bien auprès des animaux, que cette quadragénaire se sent le mieux. « J’ai l’impression qu’on veut me faire entrer dans un moule carré alors que je suis ronde. À un moment, il faut prendre du recul, réfléchir à ce que l’on veut être, se recentrer sur ses besoins. Les animaux n’attendent rien, ils se fichent que vous soyez maquillée, que vous portez un pantalon à la mode. Cela vous fait prendre la mesure de ce que vous êtes car ils vous jugent par rapport à ce que vous êtes, bon, gentil… Si vous êtes énervé, ils vous fuient. Les animaux, c’est le miroir de l’âme, ils reflètent ce que vous êtes. »

Une énergie communicative

Il y a sept ans, cette ancienne cadre, toujours en stress pour atteindre ses objectifs, achetait ce terrain, entre Marcolès et Roannes-Saint-Mary. Un coup de cœur pour ce lieu qui libère une énergie vibratoire selon elle. Cette battante surmonte alors divers obstacles, seule, pour créer une pension de chevaux sur le principe du paddock paradise, où priment, là encore, les besoins comportementaux et physiologiques du cheval, avec une intervention de l’homme très limitée. Un projet innovant dans le Cantal mais qui ne rencontre pas son public, alors elle l’oriente vers une mini-ferme pédagogique.

A Marcolès, les animaux sont des Guides du bonheur

La protection animale, une évidence

Mais celle qui s’élève contre les injustices, depuis toute petite, s’est rendue à l’évidence : ce qui l’anime, c’est d’œuvrer en faveur du respect et de la protection animale. Toutefois, elle ne se situe pas dans le débat sur la consommation de viande, estimant qu’il relève d’un choix propre à chacun. En 2017, on la contacte pour récupérer deux chèvres en détresse. Elles sont accueillies à bras ouverts, et s’épanouissent dans leur rôle de tondeuse naturelle. D’autres bêtes les ont suivies dans ce sanctuaire réservé aux petits animaux d’élevage et d’agrément.

« Revenue à l’essentiel »

En attendant l’agrément définitif pour son refuge, demandé en novembre dernier, et des bénévoles pour lui prêter main-forte, Doriane Ganczarczyk a le sentiment de sortir grandie de cette aventure. « Le contact avec les animaux apporte une plénitude. On arrive à trouver un équilibre, un lâcher prise. Ils m’apportent tellement, je leur offre une belle vie, ils me donnent autant. On a une vie en harmonie. Tous ceux qui viennent au refuge, le ressentent. J’ai changé ma vision des choses. Aujourd’hui, je ne me laisse plus déstabiliser pour un rien. Je suis revenue à l’essentiel. L’animal nous remet à notre juste place. »

Médiation animale et visites guidéesL’Arche du bonheur (les Ecuries du Mézane) est un espace de vie et d’échanges. Doriane y accueille et pratique la médiation animale auprès de différents publics, les personnes âgées vivant en Ehpad, les personnes handicapées vivant dans des structures adaptées, les écoles…Aux familles, elle propose des visites guidées privées, du lundi au dimanche, sur réservations uniquement. Ces visites se font en petit comité, car Doriane les conçoit comme des temps d’échanges sur le bien-être animal et de sensibilisation aux animaux, êtres d’émotions. D’autres services sont détaillés sur le site internet et la page Facebook de l’association les Guides du bonheur (06.88.22.66.94).

 

Photos Jérémie FulleringerChemcha Rabhi

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Source: La montagne – L'Arche du bonheur, un lieu de paix à Marcolès (Cantal) où les animaux peuvent tourner la page d'un passé tumultueux

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